Je ne l'aurais pas cru...
Si on m'avait dit qu'un jour je n'aurais plus goût à la vie,
je ne l'aurais pas cru. Et pourtant j'en suis là. A tel point que j'ai presque
pris pour une bonne nouvelle l'annonce du toubib qui m'a récemment dit à mots
choisis que j'avais un problème de santé qui allait bientôt me faucher. En
résumé, j'ai 43 ans et je n'en aurais jamais 50.
Si je dis que j'ai presque pris ça comme une bonne nouvelle c'est parce
qu'étant père de famille, je ne peux pas me réjouir de laisser ma progéniture
sans son papa d'amour.
Si j'en suis là, à presque me délecter de mon futur statut de macchabé,
c'est à cause de celle que j'appellerais "Mon Tourment".
J'ai rencontré Mon Tourment, comme bon nombre de mes contemporains, sur mon
lieu de travail.
Elle a débarqué un jour dans mon espace vital, superbe créature brune aux jambes
interminables montées sur de hautes aiguilles et galbées d'un noir lycra
couturé.
Quelques jours après son arrivée dans la boîte, les torticolis étaient légion.
Je n'étais pas seul à baver.
Mon chef faisait aussi partie des légionnaires. Il avait toutefois une longueur
d'avance sur nous autres, l'ayant déjà invitée, après quelques semaines, à
sortir bringuer.
Je tiens quand même à préciser que ce type là était marié et proche de la
retraite. Autrement dit, il avait 30 ans de plus qu'elle.
Elle, innocente comme
l'agneau qui vient de naître (et oui, 30 ans et encore vierge, si si), était
convaincue de par son manque d'expérience, et certainement de documentation,
qu'un homme pouvait avoir envie de sortir avec une aussi bonn belle
femme sans arrière pensée, et sortait donc avec lui avec plaisir, convaincue de
sa sincère amitié.
Du coup ce vieux débris en était tombé amoureux. Il s’affichait à son bras aux
bals et soirées où il était sûr d’y rencontrer ses amis. Ah ça, il pouvait se
la péter.
N’ayant jamais pris de gants avec lui (il m’aimait bien, à
l’époque), je lui demandais après chaque week-end s’il se l’était pécho. Enfin,
il y a 15 ans, cette expression n’existait pas encore. Je lui demandais
donc : « Alors ? Comment ça s’est passé avec Mon Tourment, chef ? »
A son grommelage habituel, je savais qu’il ne s’était
toujours rien passé et je m’en réjouissais, étant à l’affût de la moindre
brêche.
Franchement, je n’en étais pas amoureux. Mais par contre
elle hantait mes plaisirs solitaires.
Et puis un jour, sans le moindre signe avant-coureur, elle
m’invite à prendre l’apéro chez elle.
J’ai du faire une drôle de gueule parce qu’elle s’est
marrée, a mis un doigt sous mon menton et m’a fermé la bouche.
Je me ferais un peu moins insistant sur les détails en ce qui concerne cet apéro (ooooooooooh…) mais quoi qu’il en fût, dès le lendemain, j’annonçais à mes meilleurs amis une pause dans mon célibat.
Puis les choses se sont rapidement enchaînées. Mon chef l’a appris, en a fait une maladie (psoriasis), et m’a littéralement pourri auprès de la direction. J’étais passé du statut de bon employé plein d’avenir à celui d’incapable qui fait du boulot de merde. Et vu qu’il avait de l’influence auprès de mon mollasson de patron, ma vie dans la boîte a été un enfer.
Mais j’aimais mon boulot, alors je suis resté.
Finalement on s’entendait bien, Mon Tourment et moi, alors j’ai aménagé chez elle et on a vécu heureux, jusqu’au jour où…
On a fait un enfant.
Enfin, ça ne s’est pas dégradé pile poil le jour où elle a accouché, mais plutôt quelques mois plus tard, quand on a aménagé chez moi. En effet, mon père avait construit 2 maisons côte à côte, une pour ma sœur et une pour moi, les avait louées et nous avait dit : « Vous pourrez venir y vivre quand vous ferez des petits ».
Et c’est ce qu’on a fait.
A ce moment là, les choses étaient acquises pour Mon Tourment et sa véritable nature s’est révélée.
A suivre.